Home Questions/Réponses Rav Brand Décalage dans le calcul des années

Décalage dans le calcul des années

Par Rav Yéhiel Brand

Question:

Bonjour

Ma question porte sur les calculs du calendrier juif.

Nous voyons dans la Guémara Roch Hachana que le calendrier juif est fixé sur la base d’une année arrondie à 365.25 jours par an.

Mais en réalité, l’année dure exactement 365 jours 5 heures 48 minutes et 51 secondes (c’est-a-dire 365.2422569444 jours).

Les ‘Hakhamim ont sans doute arrondi les chiffres pour faciliter les calculs. Mais cela créé chaque année un décalage de 0.01 jour avec l’année réelle.

Au bout de 2000 ans, ce décalage monte à 20 jours !

Ainsi, cela créé un décalage entre l’équinoxe de printemps, qui tombe toujours entre le 20 mars à midi et le 22 mars à midi, soit en moyenne le 21 mars a minuit, et la Tékoufa de Nissan qui tombe le 9 avril, soit 19 jours après l’équinoxe ! Il y a 2000 ans, ce décalage n’existait pas.

Ainsi, lorsque nous faisons la Birkat Ha’hama, la prière du soleil, qui devrait être récitée au moment où le soleil reprend sa place exacte lors de sa création, à la Tékoufa de Nissan, nous la récitons un jour qui correspond au calcul arrondi selon les ‘Hakhamim, mais qui en vérité se trouve 19 jours après le véritable moment de sa récitation !

(Remarquons que les Chinois et Japonais, qui utilisent le même calendrier luni-solaire que les Juifs, n’ont pas cette erreur car ils se recalent sur l’équinoxe justement tous les 28 ans.)

Comment est-il possible que les ‘Hakhamim aient établi des calculs en arrondissant les données ? N’avaient-ils pas prévu qu’en 2000 ans, le décalage dépasserait les deux semaines ? (Dans trois siècles, le décalage sera de 21 jours, soit trois semaines !)

N’y a-t-il pas de problème de faire une Brakha à un moment qui n’est astronomiquement pas le bon ?

Merci pour vos éclaircissements.

Réponse:

Bonjour,

A l’époque des prophètes, des sages de la tribu de Issakhar étaient astronomes (Chroniques I 12, 33), mais leurs livres furent perdus, et ceux que les sages possèdent viennent des grecs (Rambam, Kiddouch Ha’hodéch 17, 24).

En ce qui concerne la bénédiction sur le soleil,  celui-ci revient à sa place d’origine tous les ans, à l’équinoxe du printemps qui correspond théoriquement à la Tékoufa de Nissan. Le Talmud retient le calcul de Chmouel, appelé “année julienne”, de 365,25 jours, c’est-à-dire 52 semaines et 1 jour 1/4. La Tékoufa de Nissan se produit donc chaque année 1 jour 1/4 plus tard que celle de l’année précédente. Or, les astres ont été créés le quatrième jour, à la première heure. On retrouve une Tékoufa de Nissan un mercredi à 0h (mardi 18h de la montre) tous les 28 ans. C’est en quelque sorte “l’anniversaire” du Soleil dans la semaine. C’est là que l’on récite la bénédiction sur le soleil. Signalons que l’année de Chmouel s’écarte des mesures astronomiques modernes de 11 minutes et 14 secondes par an.

En ce qui concerne les calculs pour le calendrier juif, le Rambam rapporte deux avis : le calcul de Chmouel, et un autre avis (connu comme le calcul de Rav Addah) selon lequel l’année solaire est moins que 365,25 jours, en indiquant que ces deux avis correspondent aux mesures discutées entre les astronomes grecs et perses (Rambam Kidouch Ha’hodech 9, 1) (*).

Le Rambam dit que le deuxième calcul est plus précis, et que pour la fixation du calendrier, le Sanhédrin s’appuyait selon le deuxième calcul (Rambam 10, 6). Il dit encore que, d’après certains, le compte du deuxième calcul serait de 365 jours, 5 heures et ~55 minutes (Rambam 10, 1). Ce calcul est en effet plus précis et plus proche des calculs astronomiques modernes.

L’auteur du Mas’at Binyamin, Rabbi Benjamin Selnik (1530-1620, élève de Rabbi Iserlis, le Rama) a soulevé la question, pourquoi pour la bénédiction du soleil nous retenons, comme le Talmud l’indique, le calcul de Chmouel, alors que pour le calcul du calendrier par les Sages chargés du Ibour, on retient celui de Rav Addah ?

Plusieurs explications sont proposées, celle du Pa’had Its’hak (Rabbi Its’hak Lampronti de Padoua, 1679-1756), de Rabbi Moché Sofér, Pressbourg (1762-1839), de l’auteur du calendrier qu’on utilise en Erets Israël depuis 100 ans, Rabbi Yé’hiel Michael Tikochinsky, du Min’hat Its’hak (Rabbi It’shak Jacob Weiss, 1902-1989, Manchester, Jérusalem), du Léhorot Nathan (Rabbi Nathan Gestettner, 1932-2010, Bné Brak), du Iguérot Moché (Rabbi Moché Feinstein, N. Y. 1895-1986) etc.

L’une d’elle est la suivante : la bénédiction sur le soleil n’étant qu’une louange pour Hachem, elle pourrait être dite en théorie à n’importe quel moment ; on a alors pris le calcul de Chmouel, qui est le plus simple.

On pourrait peut-être ajouter une autre donnée qui justifiera ce choix. Il y a en vérité plusieurs façons de compter une année solaire ; nous ne citerons que deux parmi plusieurs : l’année sidérale et l’année tropique.

L’année sidérale est l’intervalle de temps où la terre effectue une révolution complète de son orbite, mesurée par un référentiel fixe ; c’est-à-dire qu’il s’agit du temps mis pour que, vu depuis la terre, le soleil retrouve la même position par rapport aux étoiles sur la sphère céleste. Une année sidérale dure en moyenne (époque J2000.0) : 365,256 363 051 jours, soit 365 jours, 6 heures, 9 minutes, et 9,767 6 secondes.

Par contre, l’année tropique est “l’année des retours des saisons”, et elle constitue la base des calendriers solaires. Dans son acception contemporaine en science moderne, l’année tropique est définie comme l’intervalle de temps dans lequel la longitude moyenne du soleil sur son orbite apparente, qui est l’écliptique, croît de 360°. Cette définition moderne tient compte du commencement de toutes les saisons et en donne sa valeur moyenne. En l’an 2000, J2000.0, l’année tropique proprement dite, donc moyennée sur tous les points de l’écliptique, valait : 365,242 190 517 jours, soit 365 jours, 5 heures, 48 minutes, 45,260 6 secondes. (Sources : Wikipédia.)

L’année sidérale dépasse donc le calcul de Chmouel de 9 minutes et 9 secondes, quant à l’année tropique, elle a un décalage de 11 minutes par rapport à celle de Chmouel. Il se peut que, pour la bénédiction, le Talmud a voulu la faire correspondre à la date où le soleil retrouve la même position en tenant compte aussi de l’année sidérale, qui correspond à sa place par rapport aux étoiles sur la sphère céleste. Enfin, le calcul de Chmouel est au milieu de ces deux calculs, l’année sidérale et l’année tropique.

(*) 19 années solaires de Chmouel sont plus grandes de 1565 ‘Halakim que le cycle de 19 années lunaires, alors que 19 années solaires de Rav Addah valent exactement le cycle des 19 années lunaires.

Kol Touv.

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