Home Questions/Réponses Rav BrandExplications de la Torah Pin’has : pourquoi un point sur le Vav de “Véissaron” ?

Pin’has : pourquoi un point sur le Vav de “Véissaron” ?

Par Rav Yéhiel Brand

Question :

Bonjour,

Pourquoi y a-t-il un point sur le deuxième Vav de “Véissaron”, Parachat Pin’has (Bamidbar 29, 15)?

Merci et Kol Touv.

Réponse du Rav :

Bonjour,

1) La Guémara (Ména’hot 87b) pose votre question, et voici la réponse :

Un point sur une lettre ou sur un mot suggère une lecture du mot sans cette lettre, où le verset sans ce mot ; c’est l’équivalent d’une mise entre parenthèses en français.

L’issaron est la quantité de farine pour le sacrifice du Min’ha, qui accompagne le mouton du premier jour de Souccot. Le point sur la lettre Vav nous enseigne que pour mesurer la quantité de farine d’un Min’ha, il n’y avait au Michkan et au Temple qu’une seule catégorie d’ustensile ; il contenait un issaron, un dixième d’une Epha. Aucun ustensile ne contenait deux ou trois issaron, bien que certaines Ména’hot exigent deux ou trois issaron.

En fait, chaque sacrifice d’animal de la catégorie d’Ola communautaire était accompagné d’un sacrifice de Min’ha, composé de farine de blé et d’huile d’olive, pétrie et cuite. Le volume de farine de blé qui accompagne le sacrifice du mouton est un issaron, celui du bélier est deux issarons, et celui du taureau trois issarons. Dans la pratique, pour le Min’ha du mouton, on remplissait l’ustensile une fois ; pour celui qui accompagne le bélier, après avoir versé la première dose de blé dans un bac, on remplissait ce même ustensile une deuxième fois, et pour la farine qui accompagne le taureau, on le remplissait une troisième fois.

On aurait aussi pu fabriquer trois ustensiles, contenant l’un un issaron, un autre deux issarons, et encore un autre trois issarons, et ainsi chaque Min’ha est préparé d’un seul coup. Mais le point sur la lettre Vav du mot “Issaron” enseigne à ne pas utiliser un ustensile plus grand.

Un Vav indique une lecture Malé, pleine, et le point au-dessus indique une diminution, de lire ce mot sans le Vav. Cela enseigne qu’il faut diminuer les ustensiles, et n’en n’utiliser qu’un seul, celui qui contient un seul issaron.

2) On pourrait s’interroger pourquoi la Torah nomme le dixième d’une Epah “Omér” concernant la ration journalière de la Manne (Chémot 16, 36), et aussi concernant la quantité requise pour le Min’ha du ‘Omer le deuxième jour de Pessa’h (Vayikra 23, 10), par contre concernant le dixième de tous les autres Ména’hot, elle ne l’appelle jamais par son nom propre, l’Omér.

Cependant, pendant les quarante ans dans le désert, chaque juif a reçu une dose de Manne par jour. Elle était d’un ‘Omer, un dixième d’une Epha, comme le précise la Torah, et il ne servait à rien d’en ramasser beaucoup : “Ils l’ont mesuré avec l’Omer, et celui qui avait ramassé beaucoup n’a pas eu plus, et celui qui a ramassé que peu n’a pas eu moins” (16, 18). Cette quantité était nécessaire pour servir D.ieu une journée, et pour cette raison, elle s’appelle ‘Omér, “servir”, comme on trouve : “celui qui vole son prochain Véhitamér Bo (et qu’il se sert de lui) mourra” (Dévarim 24, 7).

D.ieu fixa systématiquement et miraculeusement une dose pareille pour tous, car Il distribue avec exactitude la nourriture pour chacun ; l’effort des uns pour prendre la part des autres ne sert à rien. Pourquoi cette mesure est un “dixième” ? Car D.ieu a créé le monde avec dix Paroles (Avot 5, 1), et la dixième concerne la nourriture : “D.ieu a dit : voici Je vous ai donné… de la nourriture…” (Beréchit1, 29). Aussi, D.ieu a adressé au Sinaï dix Paroles, et la dixième Parole fut : “ne convoite pas ce qui appartient à ton prochain”, (Chémot 20, 14).

Ainsi, la Min’ha qu’on rapproche le 16 Nissan, le deuxième jour de Pessa’h, est appelé dans la Torah “Omér”, et on débute ce jour le compte dit du ‘Omer jusqu’à Chavou’ot (Vayikra 23, 10-16), le jour où les juifs acceptèrent de servir D.ieu. Ce n’est qu’après avoir rapproché ce sacrifice qu’il est permis de consommer les nouvelles récoltes de céréales (Vayikra 23, 14). Ces deux “Omer”, de la Manne et du sacrifice de Pessa’h, sont liés ; les juifs pénétrant en Erets Israël n’ont arrêté de consommer de la Manne qu’après avoir rapproché le sacrifice du ‘Omer, le 16 Nissan, le deuxième jour de Pessa’h (Josué 5, 11-12) ; dorénavant, ce sacrifice prend la place du ‘Omer de la Manne.

Il est logique que si un seul dixième joue une telle importance, à plus forte raison tous les dix dixièmes réunis ! En effet, lorsque le Machia’h régnera, il apportera une Epha entière comme Min’ha : “le Nassi (Machia’h) fera une Min’ha d’une Epha pour le taureau, et d’une Epha pour le bélier” (Ye’hézkel 46, 10). A l’époque du Machia’h, le service à D.ieu sera appliqué entièrement, et le monde submergé de Son service ; la Torah appelle cette époque “les jours allongés”.

Ainsi, lorsque la Torah ordonne l’honnêteté dans le commerce, et de ne pas retenir une partie de la marchandise vendue au client, elle dit : “une Epha complète et juste tu auras, afin que tes jours s’allongent sur la terre que ton D.ieu te donne” (Dévarim 25, 15). L’Epha représente aussi le Yétser Hara’, le mauvais penchant (Rachi, Sanhédrin 24a), et, à l’époque du Machia’h, le Yétser Hara’ sera annulé (presque) entièrement à D.ieu (Soucca 52a).

Jusqu’à l’arrivée de ce temps-ci, la Torah demande à ce que la communauté rapproche en farine un dixième, qui correspond, comme nous venons de l’expliquer, à la dixième Parole de D.ieu pour la création du monde, la nourriture, et à Sa dixième Parole au Sinaï, de ne pas convoiter. Cela nous enseigne que l’homme ne peut servir D.ieu qu’avec les denrées lui appartenant, et pas avec celles convoitées.

Lorsque la Torah prescrit les mesures des Ména’hot, elle n’appelle pas le dixième par son nom, ‘Omer, car elle veut, justement, que nous mettions cette expression en rapport avec celle de la Manne et de l’Omer de Pessa’h, afin que nous nous inspirions de ces deux sujets.

3) Ce n’est pas uniquement pour la Mitsva du Min’ha que la Torah ordonne d’offrir un dixième, mais c’est également le cas pour la Mitsva de Ma’asser, où on prélève la dîme des céréales, du vin et de l’huile et on l’offre à la tribu de Lévy. Ainsi, on prélève une dîme que l’on mange à Jérusalem, une dîme qu’on donne aux pauvres, ou encore la dîme des moutons, que l’on fait passer sous le bâton, et le dixième qui passera sera sacrifié au Temple.

Pour la Mitsva de ‘Halla, on prélève un morceau d’une pâte de céréale et on le donne au Cohen ; on ne la pratique que si la pâte contient un issaron de farine (‘Halla 2, 6). Toutes ces Mitsvot sont en effet des préludes pour l’époque messianique, où tout sera consacré pour servir D.ieu.

4) On pourrait s’interroger sur l’idée de la Torah de refuser l’utilisation des ustensiles de deux et de trois issaron. Ainsi, pourquoi le point sur le Vav du mot “Issaron” figure sur celui du premier jour de Souccot, et pas sur un autre mot “Issaron”, qui existe pourtant de nombreuses fois ?

En fait, chaque jour, on apporte deux moutons comme sacrifices d’Ola, l’un le matin, et l’autre l’après-midi, et le jour de Chabbath, on ajoute deux autres moutons. Les jours de fête on ajoute des taureaux et des béliers ; parfois deux taureaux et un bélier (Roch ‘Hodech, Pessa’h, et Chavou’ot), et parfois, un taureau et un bélier (Roch Hachana, Kippour, Chémini ‘Atsérèt), puis encore sept moutons. Par contre, pendant la fête de Souccot, on ajoute chaque jour quatorze moutons, deux béliers et un nombre variable de taureaux ; le premier jour, treize taureaux, le deuxième jour, douze, le troisième jour, onze etc., au total pour les sept jours de Souccot, soixante-dix taureaux.

Tous les sacrifices d’Ola communautaires sont accompagnés des sacrifices de Min’ha, en farine ; chaque mouton est accompagné d’un issaron de farine, chaque bélier de deux issarons, et chaque taureau de trois issarons : « et trois issarons de la fine farine mélangée avec de l’huile pour un taureau, et deux issarons de la fine farine pour la Min’ha mélangée avec de l’huile pour un bélier, et un dixième de la fine farine de Min’ha mélangée avec de l’huile pour un mouton” (Bamidbar 28, 12-13, et plusieurs fois dans ce chapitre).

Le fameux point se trouve sur le deuxième Vav du premier mot “Issaron” de la Min’ha du mouton du premier jour de Souccot ; pourquoi la Torah choisit-elle de le mettre précisément sur ce mot “Issaron”, et pas sur un autre ?

Cependant, concernant les animaux que l’on sacrifie pendant les fêtes ordinaires, le taureau représente le Patriarche Avraham, qui apportait aux anges un veau; le bélier représente Its’hak, dont le sacrifice pendant la ‘Akéda fut remplacé par un bélier ; les moutons représentent Ya’acov, qui avait “séparé les moutons” ; voici ce que rapporte Rachi, Bamidbar 28, 19, au nom de Rabbi Moché Hadarchan. Le taureau est plus grand que les deux autres animaux, car, d’une certaine manière, Avraham a plus de mérite qu’Its’hak et que Ya’acov.

En fait, il est leur père, et pas uniquement le père du peuple juif, mais aussi le père des peuples d’Ismaël et d’Essav. Ces derniers s’irritent plus facilement que le peuple juif, comme le taureau s’irrite plus facilement que le mouton.

Quant au bélier, il est plus grand et plus puissant que le mouton, car Its’hak est aussi le père de Ya’acov. En plus, il est le père du peuple d’Esav, qui est plus nombreux et plus puissant que le peuple juif, représenté par le mouton, et son peuple est aussi plus irritable que le peuple juif.

Quant aux animaux qu’Avraham utilisa pour l’Alliance du Brit Ben Habétarim (l’alliance entre les morceaux), il coupa les trois veaux et les trois béliers en deux ; ils représentent les nations, comparées aux taureaux (Téhilim 22, 13), et aux béliers (Daniel 8, 3) (Rachi, Beréchit 15, 10: Guémara).

Concernant les soixante-dix taureaux que l’on sacrifie pendant Souccot, ils représentent les soixante-dix nations (Rachi, Bamidbar 29, 18 ; Soucca). On les apportait pendant Souccot et on priait pour les besoins et le bonheur des soixante-dix nations. Par contre, les quatorze moutons que l’on apportait chaque jour des sept jours de Souccot représentent les juifs, et on les apportait pour les sauver des 98 malédictions citées dans la Torah (Rachi, idem).

On apportait les sacrifices pour les nations uniquement pendant la fête de Souccot, car les juifs y habitent dans des cabanes, qui représentent les Nuées divines, protectrices des flèches tirées par les égyptiens et de tous les autres dangers dans le désert. Les prières pendant ces jours ne donneront alors aucune force aux nations qui pourraient nuire aux juifs.

Quant à la quantité de farine qui accompagne leurs taureaux, elle est trois fois plus volumineuse que celle des moutons, qui représentent les juifs. En fait, les nations sont plus nombreuses et plus fortes que le peuple juif, et elles ont de plus grands besoins. A elles d’en faire bon usage et participer au service divin, qui aboutira à la venue du Machia’h.

Venons alors répondre à la question posée.

La Torah ordonne de ne pas quantifier leur farine de trois issarons par un ustensile contenant trois issarons, mais uniquement par un ustensile contenant un issaron, remplie trois fois. En fait, leur service divin ne dépasse jamais celui offert par le peuple juif. Le point sur le Vav du mot “Issaron” se trouve alors sur celui du premier jour de Souccot, le jour où l’on commence à apporter les taureaux pour les nations.

Kol Touv.

 

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